Dreamcatcher lors d'un encore stage pour leur chanson "BONVOYAGE".

CAFFÈ LUNGO : le chant live et le playback dans la K-Pop

Où trouve-t-on du chant live dans la K-pop ? Comment reconnaître les différents types de live ? Est-ce que mon idol préférée fait du playback ? On vous explique tout dans cet article !

Sur les réseaux sociaux, on trouve maintes vidéos vantant les exploits vocaux de tel ou tel membre d’un groupe de K-pop, qui ferait en direct des prouesses incroyables. On trouve tout autant de contenu fustigeant des groupes ou des idols à Coachella (où il n’y a pas de backtrack, soit une piste d’accompagnement avec l’instrumentale et les voix d’origine de l’album). La même critique se fait pour des encore stages pour leurs voix jugées chevrotantes, peu stables, ou juste totalement fausses. 

Cependant, dans la longue histoire de la K-pop, qui commence dans les années 90, les standards pour les performances live ont bien changé. Il n’est pas rare de retrouver une performance des années 2000-2010 avec un chant bien audible. 

Dans cette vidéo, le groupe SHINee chante sa toute première chanson “Replay” quasiment entièrement en direct.

L’emphase dans la 4e et même 5e génération est, désormais, sur la performance. Les chorégraphies se font plus complexes, sans arrangement pour pouvoir chanter plus facilement. Le recours au playback, c’est-à-dire le fait de chanter sur une musique pré-enregistrée, sans que l’on entende le chant en direct, est beaucoup plus courant. Les chanteur·euses se contentent alors soit de mimer les sons, soit le son de leur micro n’est pas assez fort pour qu’on les entende. On peut aussi dire que la performance est en lip-sync

Mais ce n’est pas la seule explication pour ce changement de standards : l’émergence des réseaux sociaux et la facilité à découper et rendre viraux des extraits met également plus de pression sur les idols. Le public attend alors de la perfection pendant l’intégralité de la performance, rendant un chant 100% live plus difficile à accomplir. Enfin, il est aussi possible que les agences investissent moins de temps et d’argent dans les cours de chant qu’auparavant, tant l’emphase se fait de nos jours sur le visuel et la danse. A ce sujet, la vidéo de la chaîne d’Ain’t No Other Fan sur le coaching vocal de HYBE pour Le Sserafim peut donner des pistes. 

Cet article ne présente pas une des façons de faire comme fondamentalement meilleure ou moins bonne qu’une autre, mais cherche simplement à informer sur les différents procédés utilisés. A noter que les exemples présentés ci-dessous sont pour la plupart issus d’émissions télévisées, mais ces règles sont tout aussi valables en concert, où certaines chansons peuvent être aussi performées en playback

Les performances en playback

Commençons par le plus évident : les performances, le plus souvent filmées pour des shows télévisés, dans lesquelles les idols chantent sur la version enregistrée pour leur album de leur chanson, en playback complet. La focale est ainsi mise entièrement sur la chorégraphie. Il est facile de les reconnaître dès lors que l’on connaît bien la chanson ! 

Dans cette performance de ENHYPEN en collaboration avec JYP, le chant de ENHYPEN est entièrement pré-enregistré.

Là où cela se corse, c’est lorsque les agences prennent le soin de pré-enregistrer des versions lives des chansons, sans que les idols ne dansent. La version sera ainsi différente de celle des albums, avec même des bruits de respiration, mais sans les sons que le mouvement en direct pourrait produire. SM entertainment en tant qu’agence est très connue pour ce procédé. Un bon moyen de les reconnaître est aussi de comparer deux live à des dates différentes pour comparer les bandes-son, et ainsi juger de si la performance est ou non en playback

Le groupe Red Velvet interprète sa chanson “Cosmic” dans une version pré-enregistrée pour sonner live, mais qui est en playback sur cette vidéo.

Les performances avec bande-son d’accompagnement

Ces performances, qui mêlent une bande-son avec les voix de l’album enregistré et le chant live des idols sur scène qui dansent, sont les plus courantes. Ce qui change est le niveau de ces voix d’arrière-plan par rapport au volume du micro en live sur scène. Ces niveaux font qu’il est plus ou moins difficile d’entendre les idols chanter : qui plus est lorsque les notes sont graves et donc moins fortes, ou que la chorégraphie est difficile. Il est aussi possible que l’accompagnement disparaisse lors des raps, ou que le rappeur change son flow et la hauteur de sa voix par rapport à cette bande son. 

Le groupe Stray Kids interprète son titre “Chk Chk Boom”.

Dans cet exemple avec Stray Kids, on entend bien les niveaux changer. Il est plus facile d’être bien entendu avec des micros à la main qu’avec des micros attachés à la tête. Les premières parties des refrains sont par conséquent plus difficiles à entendre en live, et tiennent donc plus du playback

Ces performances se reconnaissent car on entend alors deux voix distinctes et des imperfections. Le mouvement dans le son correspond à ce qu’il se passe dans la vidéo. Les niveaux peuvent changer en fonction des membres et en fonction des passages de la chanson. 

Le groupe Dreamcatcher interprète “Justice”. La différence entre les voix d’accompagnement et les voix en direct est particulièrement audible sur cette vidéo.

Les performances entièrement live

Il est vraiment difficile de trouver, dans les émissions K-pop, des exemples de live entièrement réalisés sans aucune backtrack. Au mieux, la voix en direct des idols sera beaucoup plus forte que la bande-son. Une exception cependant : les encore stages. Lors d’une émission de musique en Corée, les chansons les plus populaires de la semaine participent à un concours avec les votes de juges et des fans. La chanson gagnante se voit offrir un second passage, qu’on appelle une encore stage. Là, les idols chantent en général sans bande-son vocale et sans effectuer la chorégraphie complète.

Le groupe Aespa interprète “Supernova” dans une version encore stage, soit sans danser et sans backtrack. On entend très bien leurs voix en direct dans cet exemple.

Focus : les vrai-faux live sur YouTube 

Les concerts et les émissions en direct, avec chorégraphie, ne sont heureusement pas la seule façon d’entendre des idols chanter live. Depuis quelques années, des émissions en ligne se multiplient pour montrer les talents vocaux des groupes. 

L’émission “Killing Voice” avec le groupe Ateez, où le groupe interprète plusieurs de leurs chansons avec une emphase sur les voix de chaque membre.

Cependant, si bien souvent les émissions sont bien enregistrées en une fois (c’est même le concept de l’émission “The First Take” ci-dessous), les arrangements en post-production sur les voix sont tellement importants qu’il est parfois difficile de parler de véritable live. Dans l’exemple de l’émission “Killing Voice” de dingo music ci-dessus, les voix des membres de Ateez sont corrigées au niveau de la hauteur des notes, si bien qu’elles sonnent parfois robotiques et artificielles. A quel point peut-on parler de live quand chaque note a été ré-arrangée au montage ? On peut aussi déplorer que le mixage des voix dans ces émissions soit souvent déplorable, rendant l’écoute peu agréable. 

The First Take, une émission japonaise qui propose aux idols de réaliser une version de leur chanson en une seule prise.

A signaler également, l’émission “it’s live”, qui propose des live avec un groupe de musique à l’accompagnement. Si les performances vocales sont largement éditées en post-production, l’émission peut occasionner de beaux moments musicaux. Elle permet de découvrir ses chansons préférées sous un autre angle. 

L’émission it’s live avec le groupe NMIXX en featuring avec Young K de Day6, sur le titre “Run for Roses”. Une des versions les plus réussies de cette émission puisqu’elle propose une vraie réinterprétation de la chanson originale.

Enfin, pour se faire une vraie idée de comment les chansons de K-Pop sont produites, pourquoi ne pas regarder les recording vlogs ? Ce sont des vidéos montrant les prises vocales brutes des idols qui enregistrent une chanson ? C’est l’occasion de les entendre sans aucun effet. Attention cependant, certaines agences n’hésitent plus désormais à mettre de l’autotune même sur les prises brutes. Ce procédé rend la vidéo contre-productive.

Je vous propose ainsi de comparer les recording vlogs d’un même groupe, Enhypen. Sur cette première vidéo de “Bite Me”, on entend bien les prises brutes, tandis que sur celle de “Fatal Trouble”, on sent que les prises ont été corrigées en post-production. Cela s’entend à cause de l’effet robotique et de la compression (réduction de la plage dynamique audio, que l’on utilise pour rendre la voix plus audible dans un mix) appliqués. 

Conclusion

La K-pop, avec son envie de performance la plus optimale possible, ne laisse que peu de place aux imperfections et aux imprévus. Cependant, le fait de chanter en direct implique forcément du mouvement, des essoufflements, et même quelques fausses notes ! Et c’est cela qui fait la saveur aussi du live par rapport au playback. On ne peut qu’espérer que les standards des agences, et du public, laissent un peu plus de place aux performances authentiques. 

En attendant, ce petit guide peut vous aider à vous y retrouver devant la multiplicité des vidéos revendiquées comme live. Quelques ressources anglophones sur YouTube si vous souhaitez aller plus loin et exercer vos oreilles :

Auteur / autrice

  • Cilly

    Rédactrice et membre du comité éditorial de dear. korea. Musicienne, passionnée par le mixage et la production musicale. Fan de K-pop mais aussi de rock, punk et variété française.

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