NMIXX blue valentine

JUKEBOX : “Blue Valentine”, le premier album addictif de NMIXX

6–10 minutes

“Blue Valentine” est le premier album complet pour le groupe de la JYPE, NMIXX. Après un single en featuring avec Pabllo Vittar en août dernier intitulé “MEXE”, le groupe a pris le temps de peaufiner son projet pour revenir ce 13 octobre. 

Teasé un mois en avance, c’est avec beaucoup d’anticipation que nous attendions cet album. Avec un concept et une esthétique toujours léchés, NMIXX continuent de nous surprendre, comme elles l’avaient fait auparavant.

NMIXX, des membres plongées dans un univers alternatif ?

Le trailer de ce comeback n’est pas sans nous rappeler les univers parallèles et fantastiques comme ceux de “The Good Place”, “Severance” ou encore “Alice in Borderland”. On voit les membres de NMIXX sur fond blanc avec une voix off qui s’épanche sur le concept d’amour et de haine, d’une froideur robotique qui contraste avec l’air musical léger et enfantin. Tout porte à croire qu’elles sont dans une simulation sans contrôle sur leurs propres vies. NMIXX a la faculté de jouer avec l’étrange tout en le rendant glamour. 

Concept bien pensé pour NMIXX puisqu’il renvoie à un imaginaire culturel familier, en attisant simultanément notre curiosité. Cela renvoie à un trope cinématographique commun et courant, qui pourtant ne cesse de nous intriguer. Qui sont-elles ? Pourquoi sont-elles enfermées ? De quel univers s’agit-il ? 

NMIXX au pays des rêves ? 

Leur pre-release “SPINNIN’ ON IT” nous convainc par la simplicité de sa production qui met en avant les timbres si particuliers des membres. Une batterie, une basse et des harmonies suffisent pour nous plonger dans leur univers onirique, si particulier au groupe. Dans un mélange pop, aux touches R&B, NMIXX se démarquent par leur interprétation théâtrale du morceau qui transmet autant d’émotions que d’énergie. Côté paroles, la chanson aborde une thématique classique du cœur brisé, on est comme elles et on est “so done with love, so done with hurt” (j’en ai assez de l’amour, j’en ai assez de la douleur). 

L’univers sonique unique de NMIXX est présent tout au long de l’album et leurs intros sont toujours très travaillées. Exemple sur “Phoenix”, où des harmonies presque chuchotées sur un air de piano se transforment  en production beaucoup plus puissante de basse saturée. Ce contraste musical va de pair avec la thématique classique du phoenix qui s’élève et se transforme. NMIXX sont certes bloquées dans une monde alternatif qui s’apparente au rêve, mais elles sont prêtes à en découdre. 

Les sonorités sont ici plus electro-pop non sans rappeler l’ère de la seconde génération de K-pop où tous les samples les plus originaux et distordus étaient possibles. NMIXX osent, et s’ancrent dans l’héritage de leur genre musical. 

Dans la vidéo de “SPINNIN’ ON IT” , il semble qu’elles sont des personnages d’un jeu dans lequel elles doivent s’affronter. Les concepts d’amour et haine sont appuyés ici, tantôt par des scènes romantiques lesbiennes suggérées, tantôt par des coups bas et combats symbolisés par la nourriture. Les membres sont toutes dans la même position de faiblesse, contrôlées par une entité supérieure, les mettant au même niveau. Pour autant, malgré ce point commun, il faut survivre dans l’adversité quitte à maltraiter leurs pairs. 

L’équipe artistique de NMIXX nous surprend et continue de proposer des visuels, des vidéos et du montage plus que qualitatif. Si leurs concepts précédents étaient d’être des “black sheeps” (mouton noir, bête noire) dans leur univers, il semble qu’elles sont des “black sheeps” dans l’industrie de la K-pop aujourd’hui. 

L’aspect “bête noire” est selon nous bien visible dans “Shape of Love avec cette introduction dans le morceau presque effrayante grâce au carillon et aux notes de piano dissonantes. Les mélodies de voix et la production créent une atmosphère inquiétante qui pourtant revêt un aspect plus rassurant et joyeux sur le refrain. Il semble qu’ici le rêve et le cauchemar ne font qu’un pour créer un univers complet et uniforme où les filles acceptent les difficultés du monde et de l’amour “don’t care ’bout the shape any pain I can take, we hurt and we cry, sometimes we smile” (je m’en fiche de la forme, je peux supporter la souffrance, on a mal, on pleure, et parfois on sourit). 

Au delà du rêve : la nostalgie et les émotions

“Blue Valentine” est une title aussi équilibrée que satisfaisante. Elle oscille entre les couches vocales principales et de nombreuses harmonies très bien conçues , réalisées par les membres dont on connaît le talent vocal. Le refrain pop-rock avec une progression rappelant la musique japonaise et addictif contraste avec certaines parties de couplets qui accélèrent subitement ou encore la phrase scandée sur une instrumentale drum & bass. La dynamique de la chanson peut changer complètement d’une phrase à l’autre tout en gardant une certaine cohérence. On retrouve l’esprit “mix” qui est éponyme pour le groupe. Les adlibs et les falsetti ajoutés tout le long du son, ainsi que l’outro très douce sont le résultat d’un pari réussi de la part de NMIXX : faire une chanson originale, qui détonne tout en rassemblant. 

C’est selon nous une des meilleures title tracks du groupe. A l’écoute, “Blue Valentine” arbore une certaine nostalgie intangible, sans doute grâce à la progression d’accord utilisée. Le choix des notes, des mélodies, de la structure, sont ressentis comme un voyage auditif doux-amer. 

NMIXX est un groupe aux voix propres à inspirer des émotions différentes.  C’est encore le cas dans “Game Face”, une b-side pop simple qui ne dénote pas à leur discographie habituelle, à savoir un refrain entraînant et de jolies harmonies. Sur ce titre, c’est le pré-refrain qui se distingue avec une progression d’accord inattendue, presque épique. “Crush On You”, autre titre pop cette fois plus dansant , joue quant à elle sur le sentiment amoureux avec ses paroles romantiques et ses références à la musique “jazzy, classy, swaggy, fuzzy”. Contrairement à “ADORE U” qui assume complètement le genre rock et les sentiments dévastateurs “hors de contrôle”. Dans ce titre, la guitare et les percussions accompagnent avec douceur les voix des membres qui n’hésitent pas à faire des notes très aiguës. Un de nos titres préférés de l’album.

NMIXX, reines du club

Le groupe prend les rênes du dancefloor avec des titres EDM très dansants et un travail remarquable sur le mixage et le mastering.  Avec “Reality Hurts”, on se retrouve dans un morceau expérimental techno industriel à la Nine Inch Nails des années 90 ou à la aespa à ses débuts. Les instruments saturés et l’omniprésence des percussions nous envoient directement dans une boîte de nuit futuriste, ou dans un jeu vidéo sci-fi où la réalité serait restée à l’entrée. Un morceau qu’on imagine aisément joué à hauts décibels sur des enceintes adéquates,

 “RICO” nous emmène quant à elle dans un club latino avec ses percussions reggaeton et son refrain entêtant répété en espagnol. Si certains titres sont plus émotifs et nostalgiques, ici l’objectif est de danser, et cela fonctionne! Loin de la redite d’un genre très populaire, NMIXX s’approprie l’esthétique sonore du raggaeton pour y apposer leurs superbes voix. 

Les deux morceaux se suivent et font monter la pression dans l’album alors que les auditeurs n’ont envie que de danser et de suivre le rythme. Le titre électro-pop “PODIUM” ne fait que confirmer l’aspect “club” et s’inscrit pleinement dans l’esprit K-pop par ses sonorités. Quelques mots en espagnol et un refrain puissant ponctué par un mot fort (pandemonium) en passant par un pont long et travaillé, et le tour est joué. Produite par Ryan Jhun, producteur célèbre de la SM Entertainment ou encore de IVE, “PODIUM” est probablement le son le plus “K-pop” de l’album. 

Des remixes de “O.O” : Pt.1 (Baila) et Pt. 2 (Superhero)

Après  ce voyage novateur et parfaitement réussi, NMIXX nous ramènent dans le passé avec les deux remixes de leur première title track : “O.O”. Réenregistrées sans Jini, membre qui a quitté le groupe, a priori, on se demande quelle est l’utilité de ces deux titres sur l’album. La réponse arrive vite puisqu’on se retrouve avec deux versions complètes de chacune des chansons, qui étaient entrecroisées dans la version originale. La première est aussi intense, saturée et presque agressive que la deuxième est joyeuse, entraînante et naïve. Le mélange ne fonctionnait pas forcément à l’origine à tous les endroits ; ici nous avons donc droit à deux chansons en leur propre nom, “finies” entièrement. La partie 2 a notre préférence, car débarrassée de la comparaison avec l’introduction, le titre est enjoué et sait mélanger hip-hop, rock et parties vocales fortes. Pari risqué et donc réussi pour NMIXX, qui avaient commencé à jouer ces versions en live il y a quelques mois. 

Conclusion

NMIXX livrent avec cet album un mélange détonnant, parfaitement produit et mixé. Le travail des voix notamment est admirable, alors que la K-pop nous a dernièrement déçu avec des mixages qui laissaient à désirer. A l’aise dans tous les genres et même assez pour les dépasser, les membres ont toutes leur moment de gloire pour briller musicalement. Esthétiquement, musicalement, tout est cohérent et aucun des morceaux ne semble être un passage obligé ; ce sont au contraire des expérimentations voulues et mûrement réfléchies. Nous sommes face à une des vraies pépites de cette année !


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