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JUKEBOX : Le PARADOXX de ONE PACT

11 minutes

PARADOXX, sorti le 7 juin dernier, est le tout premier comeback de ONE PACT depuis leur début en novembre 2023. Alors qu’ils enchaînent les fanmeetings sur le continent asiatique, les &HEART (le nom du fandom du groupe) attendent de nouvelles chansons.  Composé de cinq membres dont quatre anciens candidats de Boys Planet (Jongwoo, Jay Chang, Seongmin et Yedam, TAG ayant finalement refusé de participer à l’émission), ONE PACT est signé sous l’agence Armada Entertainment. C’est avec un concept très énergique et assumé que le groupe revient avec trois nouveaux titres “FXX OFF”, “DEJAVU” et “PERIOD”. 

C’est le 11 mai qu’ils annoncent officiellement le calendrier de leur comeback, révélant les dates des clips à sortir.

Le 26 mai, les fans découvrent l’aperçu des titres avec un highlight medley, dans lequel on apprend que TAG a écrit et composé chaque morceau. 

“Après ce long hiatus depuis notre début, l’album PARADOXX, pour lequel nous nous sommes sérieusement préparés, est sorti. J’ai eu la chance de produire tous les morceaux de cet album, qui comporte des surprises, alors qu’on s’essaye à de nouvelles choses. J’espère que les messages que nous souhaitons faire passer dans l’album seront bien reçus puisque nous avons beaucoup réfléchi dessus, en espérant que nos fans réagissent positivement au projet. J’ai hâte de faire la promotion et de continuer à avancer en nous améliorant. Merci pour votre amour et soutien.” TAG (communiqué de presse Helix, 7 juin 2024)

Un comeback à quatre : pari risqué ?

Un retour très attendu par les &HEART qui se fait pourtant sans le cinquième membre du groupe Jay Chang qui est retenu par ses activités parallèles. En effet, il a participé au télé-crochet de MNET “Build Up : Vocal Boy Group Survivor ” dans le but de créer un groupe éphémère uniquement composé de chanteurs. Il sera donc membre de B.D.U pour lequel il promeut ses activités en même tant que le reste de ONE PACT promouvra PARADOXX. Les réactions des fans étaient mitigées face à l’annonce de son absence en reprochant aux managements d’avoir mal coordonné les calendriers promotionnels de chacun. 

L’appropriation culturelle : un écueil dans lequel ONE PACT est malheureusement tombé

Les erreurs ne s’arrêtent pas là puisque les teasers de la title track du 3 et 5 juin montrent TAG avec une coiffure habituellement réservée aux personnes noires, à savoir des locks. A l’heure où la notion d’appropriation culturelle est largement diffusée dans l’espace public, mais aussi dans l’univers de la K-pop où elle est encore, malheureusement, très couramment présente, Armada Entertainment a perpétué de nouveau cet écueil inapproprié et offensant. Les fans du groupe ont immédiatement soulevé ce problème en s’adressant à l’agence directement via les réseaux sociaux mais aussi par mail en créant un template pour leur expliquer le caractère irrespectueux d’un tel choix stylistique. Si les fans avaient hâte du comeback, c’est pourtant avec déception, voire colère que ces teasers ont été reçus, et à juste titre. 

L’utilisation des locks dans ce cadre est d’autant plus offensant qu’il stigmatise la culture noire en l’attachant automatiquement à une esthétique dite “hip-hop”, très caricaturale. Ce n’est pas la première fois que des groupes de K-pop présentent des membres non noir.es avec des coiffures inappropriées dans le but de créer une certaine esthétique empreinte de clichés raciaux. Armada Entertainment s’ancre dans une longue liste d’acteurs de la musique sud-coréenne qui manquent d’ouverture culturelle, et  l’agence reproduit des erreurs que d’autres ont commises auparavant. La sensibilisation au sujet de l’appropriation culturelle est massivement menée sur les réseaux sociaux par des personnes concernées par ce sujet, comme Rokhaya Diallo et Grace Ly qui interrogent Maboula Soumahoro (maitresse de conférence spécialiste des diasporas africaines, essayiste et fondatrice du Black History Month francophone) dans un épisode de leur podcast Kiffe ta Race, ou encore  Dairing Tia sur sa chaîne YouTube

L’agence a publié plusieurs communiqués prenant en compte le point de vue des fans pour finalement repousser la sortie du clip de “FXX OFF”, originellement prévue pour le 7 juin et finalement publié le 13 juin. Si ce changement de calendrier est une petite victoire, elle n’en reste pour autant pas totalement satisfaisante puisque l’agence n’a que timidement prononcé ses excuses, ne semblant pas véritablement comprendre les enjeux derrière, d’autant plus qu’ils n’ont fait que flouter les locks

Album review

Nous commenterons donc le contenu de l’album sans compter le clip.

Après un album de début MOMENT très appréciable qui avait déjà su montrer différentes couleurs musicales de ONE PACT, nous étions curieux de ce que réserverait PARADOXX. Si la voix de Jay était un élément distinctif des chansons de ONE PACT, le challenge du groupe était de proposer un projet ré-équilibré qui correspond aux timbres des quatre autres membres. 

C’est avec tous ces éléments en tête que nous avons écouté l’album pour en proposer une revue.

“꺼져 FXX OFF” : une title track audacieuse

Le titre annonce déjà la couleur, ONE PACT sont prêts à dire au monde qu’ils s’émancipent des règles de bienséance. Avec une insulte censurée en version anglophone du titre, on comprend déjà le ton vindicatif qu’ils emploient. 
L’entrée dans l’EP est assez étonnante puisque “FXX OFF” commence en douceur avec une mélodie au piano, qui s’avère pourtant inquiétante à mesure que les notes se déroulent. Dès les premières secondes nous nous demandons où va le morceau.

La chorégraphie d’intro montre JONGWOO au centre de la scène qui accompagne le piano avec de la danse moderne très bien exécutée. Nous sommes ensuite de nouveau surpris avec une section complètement différente introduite par un sample de “fast forward effect” (effet d’avance rapide). On découvre une instrumentale beaucoup plus hip hop avant-gardiste, entrecoupée par des mélodies vocales plus pop sur le pré-refrain.

Le refrain quant à lui nous étonne de nouveau avec  un anti drop qui fait son effet. La répétition du mot 꺼져 (ggeojyeo) (va t’en, ou plutôt “dégage” si on souhaite garder le ton audacieux du terme)  et de “I got no time for you” (je n’ai pas le temps pour toi) contrastent avec les paroles chagrinées écrites au passé “weak boy, i was afraid of all the fingers pointing at me” (faible, j’avais peur des doigts pointés sur moi). Si les membres de ONE PACT ont essuyé beaucoup de critiques depuis Boys Planet, c’est aujourd’hui avec un état d’esprit plus revanchard et confiant qu’ils s’expriment. Le bridge est pour nous le point fort du morceau par l’utilisation d’un effet grésillant sur leur voix criée, non sans rappeler les éléments du garage rock. La production et la structure du morceau sont particulièrement bien ficelées et on apprécie l’attention au détail. Si le titre est efficace au niveau de la production, c’est un morceau qui se performe et se danse plus qu’il ne se chante. Un morceau audacieux par ses sonorités, mais une audace de style capillaire dont on aurait pu se passer.

DEJAVU 

Le second morceau de l’EP commence par un couplet de rap sur une instru hip-hop plus traditionnelle. Le flow slammé, posé en contre-temps voulu avec le beat offre une entrée en matière puissante, d’autant plus marquée par la thématique presque désespérée des paroles. TAG énonce à voix haute son introspection en commençant par “I’ve been thinking about my life” (je réfléchissais au déroulé de ma vie) et se poursuivent différentes questions sur la dualité entre la vie et la mort. Ce premier couplet très court (environ 20 secondes) est tout de suite suivi par le refrain qui scande “DEJA VU” et dont la mélodie a un aspect assez anxiogène. En effet, le fond rejoint la forme puisqu’on a l’impression que le temps se raccourcit de plus en plus et nous rattrape alors même que le refrain arrive beaucoup trop tôt dans la structure, contrairement à nos habitudes d’écoute. Sur le second complet, les percussions de l’instru s’accélèrent elles aussi, avec une jolie mélodie vocale par-dessus pour apaiser l’auditeur. Le titre se conclut comme il commence avec un couplet de rap slam en contre temps et une rupture nette à la fin. Il semble que le morceau soit pensé et structuré comme une boucle temporelle qui rappelle astucieusement le titre “DEJAVU”.

Pre-release de la b-side “마침표 (PERIOD)”

Avant la sortie officielle de l’album, un clip est sorti pour “마침표 (PERIOD)” le 31 mai 2024, pour lequel JONGWOO (sous son pseudonyme BELLRAIN) s’est chargé de la réalisation. Il s’agit de la troisième et dernière chanson du projet PARADOXX. Le format s’appelle “self-made video” (ou vidéo autoproduite) montrant le talent artistique de ONE PACT qui font partie intégrante de leur processus créatif. Cette implication directe dans le projet permet d’écouter et voir des œuvres qui reflètent directement l’univers personnel des artistes. 

Au travers de cette chanson, les membres se mettent à nu grâce à une instrumentale simple qui reprend un beat de percussions hip-hop sur fond de piano mélodieux. Une certaine nostalgie se dégage du morceau, accentuée par le ralentissement du rythme au moment du pré-refrain et du refrain. Ce dernier est particulièrement mélodieux, et bien qu’on constate une utilisation un peu poussive du vocoder au mixage, celle-ci fonctionne parfaitement pour ce genre musical. Le second couplet de rap par TAG est efficace et on apprécie son flow percutant qui tranche avec la douceur des mélodies vocales précédentes. 

“PERIOD” offre une ballade douce-amère pleine de doutes puisqu’elle marque l’incertitude que nous avons face à notre avenir et nos choix de vie, mais aussi dans nos relations avec les autres qui peuvent parfois se solder par rupture. Ce point final (traduction de “PERIOD” en anglais) marque les au revoir à une période déchue, à une relation passée qui n’aurait plus de sens aujourd’hui. La chanson file la métaphore de la phrase qui se finit mais qui n’est pas interprétée de la même manière par tout le monde. Ainsi, elle exprime que ce que l’on désire n’est peut-être pas compatible avec cette personne, avec cette manière de fonctionner. Les paroles appellent aux vécus de chacun lorsqu’elless évoquent cette déception de ne plus être compris et reconnu par l’autre, mais de pourtant ressentir le besoin de s’exprimer. L’amertume se lit dans la phrase “je me sens pathétique” (I feel pathetic), “alors que le temps passe, je n’ai personne en qui avoir confiance” (as time goes by, i have no one to trust)

En parallèle, se lit la peur de décevoir l’autre quand celui-ci découvre nos émotions négatives, “quand tu verras mes vrais sentiments, tu me quitteras toi aussi(when you’ll see my feelings, you’ll leave me too). TAG écrit alors sur nos propres contradictions humaines à vouloir être aimé mais à ne pas savoir prendre soin de nos relations, “je suis désolée d’être parti le premier, parce  je ne sais pas comment t’aimer; parce que je ne sais pas être aimé” (I’m sorry I left first, because I can’t love you, because i don’t know how to be loved).  Le morceau met donc en avant cette difficulté à définir nos propres émotions face au temps qui passe et aux relations qui se dégradent, qu’elles soient familiales, amoureuses ou amicales. Le sentiment d’abandon et d’isolement, la peur de décevoir, l’incapacité à exprimer ses frustrations face au changement sont tout autant de thématiques sublimées par la plume de TAG.

Le clip capture quant à lui parfaitement l’essence de la chanson puisque ce sont des images lumineuses et poétiques qui marquent l’isolement de chacun des membres dans leur environnement. On voit JONGWOO face à son écran dans une salle de PC, YEDAM marchant seul sur des rails abandonnés et sur un terrain de basket, SEONGMIN dans une aire de jeux pour enfants ou dans un photomaton. Chacun d’entre eux porte des écouteurs, s’extrayant du monde environnant par la création d’une bulle auditive. Les paroles font d’autant plus sens que le clip s’ouvre et ferme par JONGWOO ouvrant une lettre de TAG qui lui est adressée sur laquelle sont ancrées ces paroles. Le spectateur voit “je dois vivre par moi-même” (i gotta live by myself), qui donne le ton de la fin de l’album.

Conclusion

ONE PACT propose un EP de trois chansons efficaces et bien construites dans lesquelles qualités de producteur et de lyriciste de TAG sont indiscutables. Bien que l’EP ne propose pas de nouveauté particulière ou de prise de risque, l’ensemble est cohérent et agréable à écouter. C’est d’autant plus vrai que l’album se conclut avec un titre doux et pourtant poignant car les membres se livrent sur les difficultés qu’ils rencontrent à l’égard de leurs émotions. On aurait, cependant, voulu en entendre plus et avec davantage d’originalité après des mois d’absence, car il semble que ce comeback écope d’un manque de préparation de la part de l’agence, sous plusieurs aspects.


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