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BOOKCLUB : La Reine d’Itaewon, une plongée dans le Séoul queer de Sandrine Holin

4 minutes

C’est une Séoul vibrante et pleine de secrets que nous dévoile “La Reine d’Itaewon”, premier roman de l’autrice britannique Sandrine Holin. Au travers des errances nocturnes d’Anna, une journaliste en quête d’émancipation de sa vie monotone, l’ouvrage nous entraîne dans l’effervescence du quartier d’Itaewon, là où la communauté queer sud-coréenne prospère. 

Informations générales

Editions : L’Atelier des cahiers

Parution : 12 juillet 2022

Nombre de pages : 104

Disponible en librairie spécialisée comme La Librairie du Phenix

Sandrine Holin est née en 1986. “La Reine d’Itaewon” est son premier roman. Après des études en sciences politiques et en sciences humaines, Sandrine Holin a exercé dans le secteur des affaires publiques puis de la finance. Elle s’est rendue à Séoul au printemps 2019.

Résumé officiel

Employée de la City à Londres, Anna décide de se rendre quelques jours à Séoul pour fuir une vie qui semble de plus en plus la tourmenter. Pour pimenter son voyage, elle se fait passer pour une journaliste préparant un guide LGBT de la ville, mais ne s’attendait pas à ce que cela chamboule totalement son séjour. Convoquée au commissariat à quelques heures du départ pour « détention de stupéfiants et proxénétisme » , elle essaie de se remémorer ce qui l’a poussée à vouloir aider l’une des entremetteuses les plus célèbres de la ville.

« La Reine d’Itaewon » est un roman noir qui pose sur Séoul un regard curieux, neuf et volontairement subjectif, voire subversif, celui d’une jeune femme européenne croisant les questions du genre et des transfuges de classe dans la société coréenne. Changer d’identité devient alors un enjeu de survie. 

Un récit d’exploration et d’émancipation

Tout commence par la fuite d’Anna. Lassée de son quotidien à Londres, elle s’offre une parenthèse à Séoul en partant sur un coup de tête. Officiellement, elle est là pour « explorer » la ville, mais très vite, elle se retrouve plongée dans le quartier d’Itaewon, connu pour y regrouper plusieurs minorités marginalisées par la société sud-coréenne (queer ou racisées non-coréennes). Sous prétexte de rédiger un article sur la scène LGBTQ+ locale, elle plonge dans un univers nocturne où elle rencontre des drag queens et tout un univers caché du grand public.

Au fil de ses rencontres, Anna découvre une réalité bien plus complexe qu’elle ne l’imaginait. Une de ses rencontres les plus importantes est celle avec Jae Eun, une femme trans charismatique et gérante d’un bar lesbien. Derrière les paillettes et les néons de ce lieu, se cache toutefois la peur, la solitude mais aussi la nécessité de se battre pour exister en tant que femme. On y découvre tous les rouages, pas toujours légaux, que Jae Eun met en place avec la communauté nigériane notamment, pour se procurer les hormones dont elle a besoin. Un double scénario se met doucement en place alors qu’Anna, en tant que journaliste étrangère, se retrouve à protéger le club lesbien d’une enquête policière en cours cherchant à souligner ces activités illégales. Le roman gagne en profondeur à mesure qu’on avance dans l’intrigue et dans l’histoire des personnages. 

Différentes communautés sont mises en lumière :  les personnes transgenres, les homosexuel.les, les réfugiés Nord-Coréens ou encore la communauté noire. 

Un éclairage nécessaire sur la communauté LGBTQ+ en Corée du Sud

Avec ce roman, Holin ne se contente pas de raconter une histoire. Elle donne une voix et de la visibilité à des personnages que l’on n’a pas l’habitude de voir dans les produits culturels populaires sud-coréens. En Corée du Sud, être une personne transgenre n’est pas illégal, mais la transphobie et l’homophobie restent ancrées, laissant très peu d’espace pour ces identités. On découvre un pan de leur réalité et on comprend l’importance de cette scène queer, qui tente de survivre dans l’ombre. 

Une plume journalistique… et une légitimité questionnée

Le style de Sandrine Holin est direct et efficace, ce qui rend la lecture fluide et agréable. Le texte est assez court pour le lire d’une traite. On sent l’influence de son parcours journalistique : les descriptions sont précises et les dialogues sont incisifs. Chaque scène semble capturée sur le vif, comme un reportage nocturne dans les rues de Séoul. On se croirait parfois même dans un documentaire réaliste en oubliant le caractère fictionnel.

Mais si son regard est affûté, il n’en reste pas moins celui d’une étrangère qui se rend à Séoul seulement quelques semaines pour “s’évader de son train-train metro-boulot-dodo”. Anna trompe les personnages qu’elle rencontre en s’inventant une identité et promet un article qui ne sortira jamais. Holin (et Anna) écrivent sur une communauté dont elles ne font pas partie, et cela soulève une question légitime : jusqu’où peut-on parler des autres sans les trahir et sans juxtaposer son regard occidental biaisé ? Son travail de recherche est sérieux, son approche respectueuse, mais il manque peut-être une voix plus directement issue de la communauté queer coréenne elle-même.

Malgré cette réserve, “La Reine d’Itaewon” reste un roman captivant, nécessaire, qui braque les projecteurs sur un monde souvent relégué dans l’ombre mais qui pourtant existe bel et bien.


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