cr photos : Marie pour Dear. korea (+82)
Le 9 novembre 2024, l’association KCRC France a organisé un forum citoyen dans les locaux de Sciences Po à Paris. Son thème : envisager la paix sur la péninsule coréenne par le biais de l’intégration de la Corée du Nord dans l’économie mondiale, a été présenté puis discuté par plusieurs intervenants venus du monde entier pour l’occasion. Nos journalistes y ont assisté et vous proposent un retour concis et en image du forum.
Présentation de l’association KCRC
KCRC France est la branche française de l’ONG KCRC (Korean Council for Reconciliation and Cooperation) (Conseil Coréen pour la Réconciliation et la Coopération) basée en Corée du Sud et lancée en 1998. Son objectif est de sensibiliser le monde à l’histoire et aux relations inter-coréennes mais aussi d’envisager la paix par la réconciliation des deux Corées. KCRC France poursuit cette ambition en organisant des forums et des conférences à Paris depuis 2022. Leurs thèmes varient, bien que le sujet central reste la paix, avec par exemple un premier forum ayant pour thème “La Corée pour la Paix, quel rôle pour l’Europe ?” ou encore celui traitant du lien entre “Art et Paix, l’art à travers la frontière” en novembre 2023. Ces forums ont permis à l’association de remporter deux prix de la part du Ministère de l’Unification sud-coréen.
En plus des 20 membres professionnels, le comité étudiant de KCRC France compte plus d’une trentaine de bénévoles qui participent à l’organisation des conférences mais aussi à la communication des objectifs de l’association, notamment par le biais des réseaux sociaux. Avec plus de 200 participants, ce forum est un nouveau record battu pour ce collectif de jeunes engagés dont l’association se dit reconnaissante et admirative de leur dévouement et implication.
Ouverture du forum
Le forum a ouvert sur plusieurs discours de la part des représentants de KCRC FRANCE dont la présidente Hoon Moreau et le conseiller Park Jong Bum. Tous deux sont présentés par deux membres du comité étudiant de KCRC France qui seront les hôtes du forum. L’ancien PDG de Hyundai Mipo Dockyard (branche du secteur naval de Hyundai) et actuel président de KCRC Corée, Sohn Myoung Won, prend ensuite la parole pour faire un rappel du rôle de l’Union Européenne dans l’intégration économique de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. L’objectif est de démontrer qu’une paix commune peut être trouvée par le biais de l’économie. Kim Young Ho, le ministre sud-coréen de l’unification, rappelle ensuite les enjeux de la situation actuelle en évoquant les provocations militaires subies par la Corée du Sud. Il insiste sur la nécessité d’établir la paix sur la péninsule et promeut une unification basée sur la liberté de chacun.
Cette première partie est clôturée par Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des Affaires Étrangères de la Défense et des Forces armées du Sénat et présidente du groupe d’amitié entre la France et la Corée du sud. Elle rappelle la proximité de territoire et d’histoire entre les deux Corées et mentionne le selfie pris par les pongistes sud et nord coréen pendant les Jeux Olympiques de Paris. Catherine Dumas se dit aussi en mesure de faire remonter les échanges et initiatives émises au cours de ce forum citoyen jusqu’au Sénat français qui a la volonté de «coopérer pour faire face à ces nouveaux défis».
La péninsule coréenne dans les relations internationales et ses enjeux stratégiques pour la paix par Pascal Boniface
Les conférences sont introduites par Pascal Boniface, fondateur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (l’IRIS). Il évoque d’abord le succès économique florissant de la Corée du sud qu’il dit fondé sur le «talent» et le «sens du collectif et de l’intérêt national» ; des qualités, selon lui, manquantes en Corée du Nord alors que le gouvernement privilégie «son confort au dépens de la nation». Il doute que les dirigeants acceptent la politique de dénucléarisation du pays en cas d’accord concernant son entrée dans l’économie mondiale car «l’arme nucléaire fait office d’assurance vie du régime».
Pascal Boniface insiste sur l’écart palpable entre le nord et le sud en termes de fonctionnement des sociétés, de taux de population et de modernisation. Il se dit également sceptique concernant l’apport d’un soutien économique de la part du Japon et de la Chine comme l’a fait l’Europe au moment de la réunification de l’Allemagne.
Histoire économique de la péninsule coréenne par Choi Jangho
La première conférence est donnée par Choi Jangho, Chef de l’équipe d’unification et de coopération internationale de l’Institut coréen de politique économique internationale (KIEP). Ses propos, appuyés par des graphiques et des photos d’archives, permettent de faire un rappel sur les dates et évènements clés dans l’évolution de la Corée du Nord depuis la division de la péninsule.
Dans les années 1990, une crise économique en Corée du Nord, avec notamment une hausse du prix du pétrole, a plongé le pays dans une période de pénurie et de famine. Tandis que la Corée du sud obtient de l’aide économique de la part du Japon, apaisant les tensions restantes de la colonisation (1910-1945) et démontrant que le terrain économique peut être une voie pour la paix, le Nord ne bénéficie pas de ses anciens alliés. Ainsi, au début des années 2000, une première coopération entre les deux parties de la péninsule coréenne a été mise en place dans le cadre de la Politique du Rayon de Soleil.
Cette initiative menée par le président Kim Dae-jung se solde par un échec lorsqu’en 2008, une touriste est fusillée par un soldat nord-coréen dans les hauteurs du Mont Kumgang, situé à la frontière entre les deux Corées. Cette période marque également la réactivation de la création d’armes nucléaires en Corée du Nord tandis que le processus de démantèlement venait d’être engagé.
Choi Jangho garde une vision positive néanmoins rationnelle concernant un potentiel futur commun. Les deux Corées devraient en premier lieu «réguler les distances et les différences» qui empêchent un rapprochement afin «d’établir la paix». Un levier de négociation pourrait alors être envisager concernant les échanges et l’intégration économique de la Corée du Nord à condition que cette dernière «accepte l’abandon de son projet nucléaire».
Construction européenne et paix par René Schwok
Le forum se poursuit avec la conférence de René Schwok, enseignant au Département de science politique et titulaire de la Chaire Jean Monnet à l’Institut européen de l’Université de Genève.
Contrairement aux autres intervenants qui proposent de s’inspirer du modèle européen pour atteindre la paix via une collaboration économique, René Schwok se dit «sceptique» quant à cette approche. Bien que l’Europe ait contribué à la «normalisation de la situation allemande sur la scène internationale» en évitant les tensions, il doute qu’un tel phénomène puisse se reproduire sur la péninsule coréenne. Cela impliquerait que les deux États adoptent et respectent la démocratie ainsi que le «libre établissement des personnes, l’abolition du contrôle des frontières et la libre circulation du capital» : des sujets sensibles pour la Corée du Nord. Dans cet idéal, il faudrait également «éviter de créer un sentiment d’humiliation ou d’infériorité chez les plus faibles» avec pour solutions une «solidarité» et une «surreprésentation des minorités».
René Schwok évoque aussi l’idée du panasiatisme, une doctrine politique, culturelle et sociale qui valorise l’identité commune que partagent les différentes populations vivant en Asie Orientale. Une fois de plus, la réticence de la Corée du Nord quant au libéralisme politique pose problème. Il s’inspire alors du modèle de l’accord de libre échange entre la Suisse et la Chine : aucune dimension politique n’y est associée et toute contrainte concernant, entre autres, les droits de l’Homme, est exclue.
Table ronde
La dernière partie du forum consiste en une table ronde animée par Zion Lee, membre du Comité Étudiant de KCRC France, et oppose les deux conférenciers cités précédemment ainsi que Olivier Routeau, directeur de l’ONG Première Urgence Internationale. Cette ONG vient en aide aux populations «marginalisées ou exclues par les effets de guerres, de catastrophes d’origine naturelle et de situations d’effondrement économique» dans plus de 25 pays, dont la Corée du Nord avant la fermeture du pays en 2020. L’ONG opère dans ce pays sous le nom d’unité technique européenne et a ouvert un premier programme d’aide dans le domaine de la santé en 2002 puis de développement agricole en 2008.
Le débat s’ouvre avec la question fermée posée au public avant le début du forum : “Devrait-on poursuivre une coopération économique avec la Corée du Nord sans conditions de dénucléarisation au préalable ?”. Les résultats du sondage sont ex aequos, démontrant la pertinence de la question de la conditionnalité dans cet accord. Concernant la dénucléarisation, Choi Jangho explique qu’un accord aura plus de chances d’être conclu si une telle contrainte est écartée. Il fait également un rappel de la situation actuelle du pays qui a subi d’importantes pertes agricoles en 2021 et connaît actuellement un pic de construction de logements avec plus de 50 000 nouvelles habitations.
Lors de sa prise de parole, Olivier Routeau expose l’impact des sanctions sur l’efficacité et le coût des actions entreprises en Corée du Nord. Les capacités opérationnelles restent «très limitées» malgré le développement de leur savoir-faire sur le territoire ces vingt dernières années et remarque une «dégradation de la situation humanitaire», notamment à cause de la sécheresse qui a touché les terres agricoles en 2021. Son objectif est donc de pouvoir «retourner rapidement et efficacement» sur le territoire Nord-Coréen et espère que le contrat de soutien entre l’Union Européenne et l’ONG Première Urgence Internationale sera remis en vigueur.
René Schwok propose une approche «constructiviste» par la diffusion du soft power sud-coréen en Corée du Nord. Bien que cette diffusion soit illégale et mette en danger les nord-coréens qui la consomment, c’est pour eux un moyen de prendre conscience de l’existence d’autres réalités et modes de vie auxquels ils n’ont pas accès autrement.
Conclusion du forum
Ces quatre heures d’échanges sur les thèmes de la paix et de l’espoir sont clôturées par une présentation des futurs projets de l’association KCRC France puis d’un discours de fin donné par le président de KCRC Corée, Sohn Myoung Won. Ce dernier se dit être «très fier de la jeune génération» et de son implication dans cette recherche d’un futur meilleur pour un pays comme la Corée du Nord. Il conclut son discours avec la certitude qu’une «paix via l’économie» vaut bien mieux qu’une «paix par la guerre».
Les participants ont ensuite pu dialoguer entre eux mais aussi avec les intervenants lors du cocktail afin de prolonger les débats dans un cadre plus intimiste.
Site : https://www.helloasso.com/associations/kcrc-france
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Youtube : kcrcfrance899