CINECLUB : 10 films coréens qui ont marqué le festival de Cannes

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Dans le monde glamour du cinéma, peu de scènes rivalisent avec le Festival de Cannes. Chaque année, cette vitrine mondiale du septième art attire les cinéphiles du monde entier. Au fil des années, les films coréens ont réussi à y briller, laissant leur empreinte dans les mémoires des spectateurs.

La Palme d’Or, on ne la présente plus. Elle est la plus haute récompense du festival, et un total de 22 films sont invités chaque année à y concourir. Cette année, aucun film sud-coréen n’a malheureusement réussi à passer le processus de sélection pour la deuxième année consécutive. Deux films coréens ont néanmoins été invités à être projetés dans les sections non compétitives : il s’agit de Veteran 2 de Ryoo Seung Wan et du film documentaire Walking in Movies de Kim Lyang.

Au fil des années, de nombreux films coréens ont tout de même réussi à briller sur la Croisette. C’est pourquoi nous vous faisons découvrir (ou redécouvrir) dix films particulièrement marquants. Des histoires poignantes aux intrigues captivantes, ces œuvres témoignent de l’évolution du cinéma coréen et de son impact durable sur la scène internationale.

POURQUOI BODHI-DHARMA EST-IL PARTI VERS L’ORIENT ? (Bae Yong Kyun, 1989)

Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l’Orient ? est un film méditatif sur le bouddhisme zen de Bae Yong Kyun. Celui-ci fut introduit à la 42e édition du Festival dans la catégorie Un Certain Regard. Le film suit la vie de trois moines bouddhistes : un garçon orphelin, un moine adulte et un moine âgé. Bien que cela ne soit pas expliqué dans le film, le titre fait référence à Bodhidharma, un moine bouddhiste indien du VIe siècle qui a transmis le Zen en Chine.

Au début des années 1980, Bae commence la production de son film sans aucune expérience cinématographique et seulement avec des acteurs amateurs. Méditation à part entière, le film a nécessité près de sept années de patience pour être réalisé. Tout cela avec une seule caméra et un montage minutieux fait à la main par le réalisateur. Le film remporta par la suite le Léopard d’or au Festival du film de Locarno. Il deviendra aussi le premier film sud-coréen à être distribué en salles aux États-Unis.

Peintre de formation et diplômé de l’Université de Paris, Bae Yong Kyun retournera vers la peinture après avoir réalisé son second et dernier film, The People in White, en 1995.

CHRISTMAS IN AUGUST (Heo Jin Ho, 1998)

Le drame romantique Christmas in August est présenté en 1998 à la Semaine de la critique lors de la 51e édition du Festival de Cannes. Heo Jin Ho réalise ce tout premier film après avoir abandonné ses études de philosophie pour le cinéma. En tête d’affiche, on y découvre pour la première fois Shim Eun Ha, qui deviendra une des personnalités les plus appréciées des années 90. Le film reçut plusieurs récompenses bien méritées aux Baeksang Arts Awards 1998 dont celui de meilleur film, meilleure actrice, meilleur réalisateur et meilleure photographie.

A la lecture du scénario, nous pourrions penser qu’il s’agit d’un énième drame mièvre et larmoyant mais il n’en est rien. Christmas in August suit l’histoire de Jungwon, un photographe atteint d’une maladie grave en phase terminale. Malgré tout, celui-ci continue à vivre normalement jusqu’au jour où il rencontre Darim, une contractuelle qui vient faire développer ses photos au magasin.

PEPPERMINT CANDY de Lee Chang Dong (1999)

Il semblerait que Cannes suive les grands réalisateurs coréens à partir de leur second film. Lee Chang Dong n’échappe pas à cette règle avec Peppermint Candy, présenté en Quinzaine des Réalisateurs en 2000.

Sans crier gare, le film commence par un événement choquant : Jong Su (interprété par Seolg Gyeong Gu) se suicide en se jetant sous un train. Cette scène est ainsi suivie par une exploration rétrospective de la vie de Jong Ssu, à travers des flashbacks révélant les moments clés de son existence.

Peppermint Candy a été salué par la critique pour sa narration non linéaire et sa profonde exploration des thèmes de la culpabilité, du regret et de la recherche de rédemption. Le film a également suscité des controverses en raison de sa représentation de certains événements politiques, comme le soulèvement de Gwangju de 1980.

LE CHANT DE LA FIDÈLE CHUNHYANG (Im Kwon Taek, 2000)

En 1987, Kang Soo Yeon, actrice fétiche d’Im Kwon Taek, reçoit la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine dans La Mère Porteuse à la Mostra de Venise. 13 ans plus tard, le réalisateur le plus prolifique de Corée se rend (enfin) à la 53e édition du Festival de Cannes et remporte la Palme d’Or pour son film Le Chant de la fidèle Chunhyang.

Le film revisite l’histoire du pansori Chunhyangga, un des plus célèbres opéras traditionnels coréens. Celui-ci narre les amours compliquées entre la fille d’une courtisane coréenne et un jeune aristocrate du xviiie siècle. Cette forme de récit chanté accompagné par un tambour jouit d’une immense popularité en Corée.

Le succès de Le Chant de la fidèle Chunhyang a contribué à mettre en lumière le cinéma coréen sur la scène internationale et à faire apprécier le pansori à la jeune génération coréenne. Le film a aussi été salué pour sa capacité à combiner une histoire traditionnelle avec des éléments cinématographiques modernes.

L’ARC (Kim Ki Duk, 2005)

Considéré comme le film le plus accessible de Kim Ki Duk, L’arc est présenté au 58e Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard. C’est notamment son premier film à parvenir à Cannes ainsi que le 12ème film de sa filmographie.

Le film suit l’histoire d’un vieil homme vivant reclus avec une jeune fille, isolés du monde entier à bord d’un bateau en pleine mer. Il projette de l’épouser dès qu’elle atteindra l’âge de dix-sept ans. Pour la protéger des pêcheurs qui la convoitent, il compte sur son arc. Mais ses rêves de mariage tournent à l’obsession lorsque sa promise s’intéresse à un jeune étudiant de la ville.

Comme beaucoup de films de Kim Ki-duk, L’Arc se caractérise par un style narratif minimaliste. Il y a peu de dialogues et une grande partie de l’histoire est racontée à travers les actions et les expressions des personnages. Cette approche permet au spectateur de s’immerger pleinement dans l’atmosphère contemplative et émotionnelle du film.

SECRET SUNSHINE de Lee Chang Dong (2007)

Lors de la 60e édition du Festival de Cannes, l’actrice Jeon Do Yeon est récompensée par Alain Delon du Prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Secret Sunshine de Lee Chang Dong. Elle devient ainsi la deuxième femme asiatique à recevoir cette distinction prestigieuse, après Maggie Cheung pour Clean d’Olivier Assayas. Adapté du roman The Story of a Bug de Lee Cheong Jun, Secret Sunshine apporte des modifications significatives à l’histoire pour mieux correspondre à la vision cinématographique du réalisateur.

Le film conte l’histoire d’une jeune veuve déménageant avec son fils dans la ville natale de son défunt mari afin de commencer une nouvelle vie. Entre ses leçons de piano et les nouvelles relations qu’elle lie, la jeune femme réservée entame un nouveau chapitre de sa vie. Cependant, tout bascule le jour où la tragédie la frappe à nouveau. Confrontée à cette épreuve, elle s’efforce de trouver un nouveau sens à son existence. Secret Sunshine examine ainsi comment la foi peut être à la fois une source de réconfort et de conflit intérieur pour les personnages.

THIRST, CECI EST MON SANG (Park Chan Wook, 2009)

Thirst, ceci est mon sang de Park Chan Wook a reçu le Prix du Jury lors de la compétition officielle au Festival de Cannes 2009. Librement inspiré du roman français Thérèse Raquin d’Émile Zola, le film a transformé l’histoire originale en une exploration sombre et sensuelle de la soif de sang et de désir.

Song Kang Ho, acteur fétiche du réalisateur, interprète ici un jeune prêtre suivant une expérience médicale. Celui-ci se porte volontaire pour tester un vaccin susceptible d’éradiquer une maladie qui sévit en Afrique. L’expérience est un fiasco, et le prêtre décède. Une transfusion sanguine d’origine inconnue le ramène à la vie, mais cette expérience le transforme progressivement en vampire. Rentré en Corée, sa résurrection attire les pèlerins. Parmi eux, il recroise la femme d’un ami d’enfance, aux charmes de laquelle il ne pourra résister.

Thirst, ceci est mon sang explore une gamme de thèmes complexes, notamment la moralité, la culpabilité et la nature humaine. Le film examine les conséquences tragiques des désirs refoulés et des choix impulsifs, tout en offrant une réflexion profonde sur la condition humaine et les limites de la moralité.

UNE VIE TOUTE NEUVE (Ounie Lecomte, 2009)

Présenté en Séance spéciale à la 62e édition du Festival, Une vie toute neuve est le premier film de la réalisatrice française d’origine sud-coréenne Ounie Lecomte. Elle choisit pour celui-ci le thème de l’adoption, en travaillant le scénario avec le réalisateur Lee Chang Dong.

Se déroulant en 1975, le film suit une petite fille placée par son père dans un orphelinat tenu par des religieuses. C’est pour elle le début de l’épreuve de la séparation et de l’attente prolongée d’une nouvelle famille. Au fil des saisons, les départs des enfants adoptés lui apportent une lueur d’espoir, mais brisent également les liens d’amitié qui venaient de se former.

Au lendemain de la guerre de Corée, le gouvernement sud-coréen encourage l’abandon, ou du moins l’adoption d’enfants par des couples étrangers. Une industrie de l’adoption s’est ainsi mise en place. Tout cela sous la tutelle du ministère de la Santé et des Affaires sociales, et avec le soutien d’organisations religieuses ou philanthropiques.

POETRY de Lee Chang Dong (2010)

Suite à sa participation en tant que membre du jury lors du 62e Festival de Cannes, le cinéaste Lee Chang Dong présente en compétition l’année suivante son deuxième film Poetry. Il se voit décerner le Prix du Scénario pour celui-ci.

Avant ce film, Yun Jun Hee, qui interprète le rôle principal, avait pris sa retraite depuis déjà une longue période. Elle a cependant été persuadée par Lee Chang Dong de revenir pour ce rôle, pour lequel elle a délivré une prestation exceptionnelle.

Poetry dresse le portrait de Mija, une élégante vieille dame vivant avec son petit-fils au bord de la rivière Han. Les journées s’écoulent avec lenteur et monotonie. Elle prend chaque jour soin d’un vieil homme et s’inscrit à un atelier de poésie organisé par le centre culturel de la ville. Cependant, cette tranquillité est brusquement perturbée lorsqu’elle découvre que son petit-fils et ses amis ont commis un acte terrible.

Bien que le film se concentre principalement sur le personnage de Mija, le film aborde également des questions sociales plus larges. La corruption, la violence sexuelle et le traitement des personnes âgées dans la société coréenne contemporaine sont tous abordés.

A GIRL AT MY DOOR (July Jung, 2014)

Tout premier film de July Jung, A Girl at My Door est présenté au 67e Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard. Son second film, About Kim Sohee, est à son tour présenté au Festival en 2022, à la clôture de la Semaine de la critique dans la catégorie Séances spéciales.

Le film suit Youngnam, une jeune commissaire de Séoul mutée d’urgence dans un village. Elle se retrouve plongée dans un monde rural marqué par ses traditions, ses préjugés et ses mystères. Là-bas, elle rencontre une jeune fille nommée Dohee, dont le comportement énigmatique et solitaire l’intrigue. Un soir, celle-ci se réfugie chez Youngnam.

Loin de Séoul, le film offre une perspective sur d’autres facettes de la Corée du Sud. Certains thèmes récurrents du cinéma national sont présents mais sont abordés avec moins de radicalité que d’habitude. La maltraitance, la manipulation, l’intolérance, et bien d’autres thèmes sont abordés de manière poétique. La subtilité du récit, sa capacité à déstabiliser à travers ses portraits psychologiques et la fluidité de la mise en scène font de ce film un véritable bijou. Un bijou qui sait garder un ton aigre-doux qui laisse une impression durable sur le spectateur.

Nous espérons que cette liste vous aura permis de découvrir ces œuvres marquantes rappelant la diversité du cinéma coréen. Peut-être qu’elle vous donnera aussi l’envie de découvrir d’autres œuvres de la filmographie de ces artistes (ou bien celle d’autres). Dans tous les cas, si vous terminez cet article en ajoutant dans votre watchlist un de ces films, notre travail est réussi !


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