JUKEBOX : Epik High revient en force avec « PUMP »

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Dans le monde du k-hip-hop, un nom résonne avec une constance indéniable : Epik High. Ce groupe emblématique (composé des rappeurs Tablo, Mithra Jin et DJ Tukutz) n’a cessé de repousser les frontières créatives depuis leurs débuts en 2001. Le 20 juin 2024, ils reviennent avec leur première mixtape, PUMP, qui promet de secouer la scène musicale et de captiver leurs fans et de nouveaux auditeurs.

Avec PUMP, Epik High nous livre des morceaux mélangeant habilement des mélodies jazzy entraînantes à des paroles introspectives. Chaque piste de la mixtape est une invitation à plonger dans un univers sonore diversifié mais toujours fidèle à l’ADN d’Epik High. Cette toute première mixtape marque également un tournant dans leur carrière, mettant en lumière leur capacité à se réinventer tout en restant fidèles à leurs racines.

ANTIHERO : La lutte contre les conventions

Avec « Antihero », chanson-titre de la mixtape, le groupe sud-coréen explore les nuances complexes de l’identité et de la moralité. Les paroles de la chanson examinent les frontières floues entre le bien et le mal. Elles remettent en question l’essence-même de ce que signifie être un héros dans un monde rempli d’ambiguïté morale.

Héro ou vilain ?

Les premières lignes donnent le ton avec une puissante déclaration d’identité personnelle et de défiance contre les normes sociales (« plus de professeurs, plus de prophètes, plus de héros »). Les membres affirment leur style en soulignant leur capacité à naviguer dans les complexités de la célébrité et de la perception du public (« L’opinion du public ? Je le plie à mon désir, c’est mon super-pouvoir »).

Le refrain, « I’m the hero you deserve, I’m the hero you need », (« Je suis le héros que tu mérites, je suis le héros dont tu as besoin ») renferme le thème central de la chanson. Il suggère que l’héroïsme n’est pas un concept fixe mais plutôt un rôle qui peut être interprété différemment selon le contexte. Les artistes reconnaissent leur double rôle en tant que héros et vilain. Cette dualité est encore soulignée par la ligne « All the heroes that you serve look like villains to me » (« Tous les héros que tu sers ressemblent à des vilains pour moi »). Celle-ci met en lumière la morale subjective et l’influence de la perspective sur nos jugements.

Tout au long de la chanson, Epik High utilise des métaphores vives pour transmettre leur message. Les paroles « comme un sociopathe » (dites par Haru, la fille de Tablo) illustrent l’attitude rebelle et sans compromis des artistes. La chanson aborde également des thèmes de résilience et de persévérance, alors que les artistes réfléchissent à leur parcours et aux obstacles qu’ils ont surmontés. En rejetant les normes sociales et en embrassant leur véritable identité, Epik High redéfinit ce que signifie être un héros dans un monde qui ne reconnaît souvent pas la complexité de la nature humaine.

Bien qu’Epik High aborde la plupart du temps un look chic et badass, le groupe ne se prend pas toujours au sérieux. C’est aussi le cas dans « Antihero » lorsque vous entendez Tablo crier « You don’t know anything about me ! Shut up ! » (« Tu ne connais rien de moi ! Tais-toi ! ») avant que l’instrumental change complètement à 02:12. Fun fact : Cette citation provient de l’interview Epik High Takes the BFF Test où Tablo crie à Tukutz cette phrase parce que ce dernier ne croyait pas que Tablo aimait le gésier de poulet.

K-DRAMA : La vie c’est pas un drama

L’album comprend également la chanson « K-Drama », abordant les clichés populaires des dramas coréens et les comparant à la vie réelle. Sans critiquer pour autant les dramas, Tablo nous rappelle, dans leur interview avec Forbes que « les fins des dramas sont soit très heureuses, soit très tragiques, alors que la vie oscille constamment entre les deux ».

La vie, c’est pas un drama

La chanson s’ouvre sur des questions poignantes demandant à l’auditeur s’il a déjà ressenti une profonde tristesse, douleur ou perte. L’enchaînement des mots « drama, trauma, karma » souligne les défis incessants rencontrés. La vie n’offre alors aucun répit, pas de ‘virgule’ pour respirer. Les paroles critiquent également l’industrie du divertissement, en comparant le « rap game » à un « rat game » et à un labyrinthe où chaque chemin est une intersection décisive. Cette métaphore souligne la brutalité de l’industrie, où les artistes doivent constamment faire des choix déterminants pour leur carrière. Le monde est décrit comme une « comédie », offrant une vision sombre et ironique de la façade glamour souvent projetée par l’industrie du divertissement.

Plusieurs références sont aussi naturellement faites aux dramas. La ligne de Mithra « Même si la fin est prévisible, ça vend bien » compare les dramas à la vie réelle tandis que Tablo rappe « Mon OST est une marche funèbre ». Les derniers vers traitent à la fugacité de la vie, la comparant à un film one-take sans montage ni reprise, incitant les auditeurs à trouver des moments de joie malgré le chaos. Comme dans « Antihero », l’humour reste cependant au rendez-vous. C’est avec l’ad lib « kimchi slap » discrète mais efficace (en référence à une scène du drama Everybody, Kimchi) qu’une touche amusante s’ajoute à ce message réfléchi.

une dame âgée frappe violemment au visage un homme en costume avec du kimchi

I WAS HAPPY (ft. Kim Jong Wan) : Vide et mélancolie

On ne le présente plus, Kim Jong Wan de Nell est un artiste récurrent dans la discographie d’Epik High (« Lost One », « Amor Fati », « Let It Rain »…), et on comprend bien pourquoi. Sa voix envoûtante transmet un sentiment de mélancolie à travers les notes douces du piano et les percussions de « I Was Happy ». Cette dernière capture à merveille la mélancolie et la beauté éphémère du bonheur. Comme l’a si bien dit Tablo : « Je ne pense pas que quelqu’un d’autre [que Jong Wan] puisse délivrer ce genre de tristesse ».

Heureux ou pas ?

Les premières lignes donnent le ton de la chanson. Le narrateur décrit son parcours comme étant semé d’embûches et se compare à un chat errant. Il souligne aussi ne pas se sentir à sa place, tant dans des terres étrangères que dans son propre pays : « Dans ma jeunesse, on se moquait de mes cheveux noirs, et maintenant, ici, on me traite d’étranger aux cheveux noirs ».

Au fur et à mesure que la chanson progresse, le narrateur se demande si ce qu’il a réalisé dans sa vie équivaut vraiment à un bonheur authentique. Le refrain « I just can’t feel anything » résonne avec un profond sentiment de vide. Le post-refrain démontre quant à lui une imagerie répétée du cœur brisé, soulignant encore plus le tumulte émotionnel et le désir de ne plus souffrir.

Un parallèle avec I’m Happy

La piste fait d’ailleurs directement écho à « I’m Happy » de l’album Remapping the Human Soul d’Epik High sorti en 2007. En effet, cette dernière est elle aussi en collaboration avec Kim Jong Wan et Tablo a par ailleurs écrit les paroles de « I Was Happy » en référence à celle-ci.

Les refrains de ces deux chansons sont en effet construits en parallèle. Dans « I’m Happy », les paroles du refrain disent « Je vais bien maintenant, pas vrai ? Mais pourquoi est-ce que je continue à pleurer comme ça ? Pourquoi ? » tandis que dans « I Was Happy », sorti 17 ans plus tard, Jong Wan chante « J’ai bien fait, pas vrai ? C’est bien, pas vrai ? Parce que je n’arrive à rien ressentir ».

OK GOOD : Regardons le bon côté des choses

Contrairement aux autres pistes de l’album, « Ok Good » n’est en réalité pas une toute nouvelle chanson du groupe. En effet, il était déjà possible de l’écouter si vous aviez acheté l’album Lost Map #002…disponible exclusivement au concert Now Playing d’Epik High à Séoul en 2018. En d’autres mots, une édition très très limitée.

« Ok Good » explore les thèmes de la résilience et de la positivité face aux difficultés de la vie. Les couplets introspectifs se mêlent à un refrain optimiste, soulignant la lutte entre le désespoir et l’espoir. Ce contraste met en lumière l’importance de garder une perspective positive même lorsque rien ne semble de notre côté.

Les membres dénoncent là aussi l’industrie musicale, comme bien souvent dans leurs chansons. Étant maintenant plus matures, sages et confiants, ils ne souhaitent plus se préoccuper des tendances de cette industrie. Ils préfèrent se focaliser sur l’opinion de leurs fans, comme le témoigne Tablo dans les premières lignes de la chanson : « J’ai un mot à dire aux mecs en costume qui m’appellent et me harcèlent pour mon album : Je suis désolé mais je ne le fais pas pour toi ».

Et maintenant ?

PUMP explore des thèmes complexes, allant de l’héroïsme ambigu de « Antihero » à l’introspection poignante de « I Was Happy », en passant par la critique acérée de la réalité dans « K-Drama ». D’autres pistes, qui méritent tout autant d’être écoutées, font partie de la mixtape : « Pretty Much », « Late Checkout », « Good Riddance », « Group Chat Freestyle » et « Off Day ».

Epik High restent fidèles à leurs racines tout en cherchant continuellement à se renouveler. Connus pour faire de nombreuses collaborations sur chacun de leur album, Epik High déroge cette fois à la règle en délivrant un album plus intimiste (en s’autorisant tout de même un featuring).

Les fans se préparent désormais à accueillir Epik High pour leur nouvelle tournée mondiale dès cet été. La tournée The Pump sera l’occasion de découvrir les nouvelles chansons de PUMP, mais aussi des classiques de la carrière du groupe. Réputés pour leur énergie et leurs interactions avec le public, Epik High est prêt à marquer les esprits.


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