Alors que son retour était très anticipé, Jung Kook a sorti deux tracks en amont pour teaser son grand début : “Seven” en featuring avec Latto et “3D” avec Jack Harlow. Avec cet album comportant au final 10 chansons (plus la version “Clean” de “Seven”), entièrement en anglais et truffé de collaborations avec de grands artistes internationaux, Jung Kook fait un pas de côté par rapport à la K-pop et montre sa capacité à être un artiste “global”. On vous fait sans attendre la review track by track de GOLDEN !
3D (feat. Jack Harlow)
Gros nom de la scène hip-hop, le choix de Jack Harlow en featuring était étonnant et très attendu dans la sphère de la K-pop, mais aussi au-delà. En effet, fort de ses récents succès (par exemple “Industry Baby” en collaboration avec Lil Nas X), la plume aiguisée, voire parfois trash du rappeur contraste avec justesse avec l’image stéréotypée qu’on peut avoir des idols de K-pop. L’annonce de cette collaboration a su créer de l’attente chez les fans et chez le grand public.
Sortie le 29 septembre dernier, “3D” est finalement une proposition au refrain groovy et efficace, dans laquelle le flow de Jack Harlow se marie parfaitement avec la voix suave de Jung Kook. Si les paroles rentrent très vite en tête, on regrette un peu leur manque d’originalité et de prise de risques. Le rap de Jack Harlow, en particulier, est certes efficace dans sa structure mais finalement assez peu intéressant, en plus d’avoir été offensant pour une partie de la communauté asiatique du fait de l’utilisation du terme ABG (Asian Baby Girl) par un homme blanc dans un contexte historique d’objectification et de sexualisation des femmes asiatiques.
En tant que seconde “pre-release” musicale de Jungkook, cette chanson s’est ancrée dans une campagne promotionnelle particulièrement réussie de la part de HYBE et BigHit. “3D” s’est en effet placée dans les charts dès sa sortie, attirant autant les ARMYs et K-pop stans que l’audience de Jack Harlow.. Pas besoin de plus de preuves pour comprendre l’impact du golden maknae quand on se rend compte qu’il bat lui-même ses propres records.
Sorti le même jour que la chanson, le clip, bien réalisé et efficace, se présente immédiatement comme une grosse production américaine. Jung Kook comme Jack Harlow jouent de leur charme et de leurs “sapes” dans des plans graphiques qui rappellent clips de rap et de pop des années 1990. On retrouve le trope classique des grands escaliers blancs, des voitures high budget et des cabines téléphoniques. Encore aujourd’hui, le clip est dans les tendances mondiales et ne quitte pas les charts !
Closer to You (feat. Major Lazer)
Dans « Closer to You », premier titre inédit de GOLDEN, on reconnaît immédiatement la couleur musicale de Major Lazer, nous donnant presque l’impression qu’il s’agit plus d’un de leur titres que de celui de Jung Kook. On est cependant charmés rapidement par la voix aérienne de l’interprète, qui colle parfaitement bien à la mélodie, et ce “Closer”, qui rythme la chanson de manière presque obsédante.
Comme sur les autres featurings de l’album, il est intéressant de voir Jung Kook poser sa voix sur des styles musicaux inédits, avec des artistes occidentaux d’envergure. Alors que Bang Si-Hyuk, président-fondateur de HYBE et créateur de BTS, déclarait il y a quelques jours que “La K-POP a maintenant besoin d’atteindre un public de consommateurs plus vaste dans un marché plus large.”, Jung Kook est un parfait exemple de ces artistes de K-pop reprenant les codes de la musique occidentale.
Avec une campagne de pre-release comme celle-ci, on comprend l’importance et la place prépondérante des featurings dans l’industrie de la musique, et par extension dans la K-pop. Si les collaborations entre K-artists et artistes états-uniens ne sont pas nouvelles, Jung Kook propose deux grosses collaborations qui sont toutes deux dans l’album, ce qui est nouveau. Les artistes en featuring s’offrent chacun de la visibilité et permettent d’attirer un nouveau public, d’un côté comme de l’autre. En effet, on l’avait déjà vu avec BTS qui ont su conquérir le marché américain et s’installer comme un groupe incontournable sur la scène internationale. Suivant tout particulièrement cette tendance avec ces singles en featuring et entièrement en anglais, Jung Kook prend le rôle d’un artiste de pop internationale sans grande difficulté.
Seven (feat Latto)
Premier single de cet album, sorti le 14 juillet, “Seven” a immédiatement été un succès planétaire. La chanson chart partout, passe partout, y compris dans des milieux extérieurs à la K-pop, et ça se comprend : tout y est percutant et addictif, avec un refrain qui reste immédiatement en tête et un gigantesque potentiel de réutilisation sur les réseaux sociaux (que ce soit en dance challenge ou en vidéos d’outfits of the week). Le rap très efficace de l’artiste américaine Latto complète ce morceau, avec lequel Jung Kook signe un véritable hit global, coup de cœur de nos rédactrices dès la première écoute.
Le single est par ailleurs entré dans l’histoire de Spotify puisqu’il est devenu la chanson qui a atteint le plus rapidement le milliard de streams.
Ce morceau a été accompagné d’un clip réalisé comme un film, avec la très connue actrice et mannequin Han So-Hee au casting, dans lequel Jung Kook joue un amoureux éperdu tentant de convaincre une dulcinée peu convaincue qu’il est l’homme qu’il lui faut. Multipliant les scènes pleines d’humour, ce clip participe à nous faire rentrer dans l’univers de Jung Kook et de “Seven” avec brio.
Cette chanson est sortie en deux versions, l’une “clean” et l’autre “explicit”, et c’est la version explicite qui arrive en premier sur l’album (alors que la version “clean” clôture l’opus, presque comme un morceau bonus). Cela apparaît comme une forme de statement de la part de Jung Kook sur sa place d’idol et d’artiste, qui s’affranchit des codes de la K-pop et se permet, grâce à son succès, d’oser de nouvelles choses.
Standing Next to You – TITLE TRACK
Comment parler de l’album sans évoquer la title track “Standing Next to You”, aux sonorités beaucoup plus rétro et suaves que les deux premiers singles ? Dès la première écoute, nous sommes transportés dans un tout autre univers, inattendu de la part de Jung Kook, qui nous montre une autre facette de sa personnalité. On entend l’inspiration très Michael Jackson, ou plus récemment de Bruno Mars et The Weeknd, de sa part quand on découvre l’instrumentale et les techniques vocales qu’il utilise, en offrant une abondance de voix de tête et de falsetto, qui plaisent particulièrement à une des autrices. Le pré-refrain semble être le highlight de la chanson sur ce point-là.
Jung Kook nous sert sa voix sur un plateau doré avec à la fois ces fameux falsetto mais aussi des parties de voix de poitrine un peu plus puissantes. On note aussi une très belle instrumentale sur le refrain au piano synthé, qui s’avère simple mais selon nous terriblement efficace. Le titre s’offre un bridge instrumental pour laisser la place à un dance-break, encore une fois non sans rappeler le roi de la pop. Cette partie nous rappelle que l’artiste est bien reconnu dans l’univers de la K-pop comme un “all rounder” ou un “ace” (quelqu’un qui a de nombreux talents et sait tout faire). Le golden maknae ne démérite pas sur ce track.
Un clip hollywoodien
Le morceau est accompagné d’un clip qui fait son effet et correspond tout à fait au son rétro, dans lequel on retrouve un Jung Kook dans un décor Hollywoodien très guindé et élégant. Il apparait dans de belles pièces de costumes, entre un veston gris sans manches laissant apercevoir ses tatouages ou un costume noir avec des broches scintillantes. Dans différents plans, il nous offre une danse particulièrement élégante, sexy, et raffinée. Jung Kook poursuit une femme fatale tout au long du clip, La place de la danse et du théâtre semblent vraiment primordiales dans la vidéo puisqu’on le voit sur une scène, dans des studios, dans un hall, on y voit à la fois la place du théâtre mais aussi celle du cinéma.
On décèle plusieurs références au cinéma et à la pop culture. On évoque une nouvelle fois Michael Jackson, cette fois avec la célèbre Princesse Diana, en référence à une photographie iconique des deux se tenant l’un à côté de l’autre, justement notifiée par le Times of India. Visuellement le clip rappelle aussi “Black Swan” de BTS avec ces ailes d’ange et cette scène de théâtre qu’on retrouve dans le MV du groupe.
Le clip est réalisé par Tanu Muino, connue pour ses clips et ayant déjà remporté un Grammy. Celle-ci a notamment travaillé pour Rosalia, Post Malone & The Weeknd, Doja Cat, Sam Smith, des campagnes Dior, etc. Jung Kook collabore ainsi avec des grands noms américains jusque dans ses productions audiovisuelles.
Yes or No
Avec “Yes or No”, Jung Kook signe l’un des morceaux les plus efficaces de cet album : le chanteur nous entraîne dans un registre RnB à la mélodie addictive, et nous sommes conquises. Si la proposition n’est pas particulièrement originale, rappelant ce que Justin Bieber a pu proposer par le passé, la chanson fonctionne parfaitement bien, avec des sonorités agréables à l’oreille et des paroles que l’on retient facilement.
Signées Ed Sheeran, celles-ci ne sont pas particulièrement poétiques ou profondes, mais la voix de Jung Kook sublime l’ensemble, et la chanson a un potentiel viral certain.
Please Don’t Change (feat. DJ Snake)
Comme pour Major Lazer, on reconnaît immédiatement la couleur musicale et la patte de DJ Snake sur “Please Don’t Change”. Cette collaboration aux sonorités tropical EDM nous donne immédiatement envie d’aller danser, et on regrette presque que cela n’ai pas été une pre-release estivale comme “Seven”, car la chanson aurait été particulièrement adaptée aux soirées d’été.
Jung Kook s’inscrit avec “Please Don’t Change” dans une longue lignée de morceaux très dansants, dont les paroles n’ont d’autre utilité que de nous rester en tête. Pari réussi pour cette chanson, dont le seul défaut est qu’on aurait aimé l’entendre plus tôt !
A noter toutefois que cette petite interjection “Please Don’t Change” est aussi destinée à ses fans, les ARMYs, à qui il dit plusieurs fois de ne pas changer et de rester elleux-mêmes. C’est en tout cas ce qu’il a énoncé lors de sa performance à Times Square, repartagée par DJ Snake sur Tiktok.
Hate You
7ème morceau de l’album, “Hate You” est aussi un tournant vers la seconde moitié de GOLDEN, beaucoup plus douce et calme. Chanson au goût de cœur brisé, “Hate You” donne l’occasion à Jung Kook de montrer son low register et sa parfaite technique de voix soufflée (ou “breathy”, c’est à dire qu’il laisse plus d’air passer dans ses corders vocales pour créer un effet doux, presque chuchoté). Il présente ainsi d’autres facettes de ce qu’il est capable de faire vocalement. Rompant avec les beats plus omniprésents du début de l’album, l’instrumentale au piano lui permet d’exprimer une vulnérabilité vraiment touchante et convaincante, permettant à la chanson de se hisser dans le haut du panier des chansons sur le thème de la rupture ou de l’amour contrarié.
Somebody
Avec “Somebody”, on est dérouté par la particularité de la voix de Jung Kook, au début difficilement reconnaissable avec des effets de production vocale inhabituels pour lui. Le beat semble au début s’inspirer du hip-hop sur les couplets, pour finalement se porter sur un semi-électro avec une batterie simple qui garde le même rythme tout du long. Il y a donc très peu d’éléments sur l’instrumentale, tout repose sur les modulations de voix et le mixage. On frôle parfois même l’effet a capella, ce qui peut plaire comme déplaire. Globalement cette chanson semble être une des plus clivantes de l’album. On note une mélodie simple et agréable, mais qui peut être qualifiée de peu marquante pour d’autres.
Too Sad to Dance
“Too Sad to Dance”, autre proposition calme mais bien moins triste que “Hate You” (malgré son titre), est un exemple parfait de pop douce, efficace mais moins mémorable que d’autres morceaux de l’album. On ressent à nouveau l’influence de Justin Bieber dans la couleur musicale de Jung Kook tant le morceau aurait tout aussi bien pu être chanté par le célèbre chanteur canadien. La voix de Jung Kook reste très agréable à écouter, avec une instrumentale à la guitare et un petit sifflet entraînant. On imagine bien d’autres idols de K-pop reprendre cette chanson et en faire des covers : elle en a, en tout cas, tout le potentiel.
Shot Glass of Tears
“Shot Glass of Tears” conclut cet album (si on fait abstraction de la version clean de “Seven”) dans une ambiance mélancolique qui change des sonorités du début de GOLDEN. Dans ce très beau morceau, sans aucun doute la plus poétique de l’album, la voix de Jung Kook est particulièrement bien mise en avant (et on note son parfait accent anglais) et des chœurs subliment habilement celle-ci. Le titre est particulièrement intéressant, mêlant le verre à shot (shot glass) rappelant l’image plus sulfureuse que Jung Kook dévoile avec cet album à la vulnérabilité des larmes (tears).
Verdict
GOLDEN apparaît finalement comme un album cohérent, aux mélodies agréables et aux paroles entrainantes, mais qui manque selon nous de prise de risque. On reconnaît des sonorités très similaires aux succès de la pop américaine, avec des collaborations où Jung Kook s’adapte aux styles des autres artistes plus qu’il n’impose sa propre couleur musicale.
La thématique de l’ensemble de l’album, l’amour, n’est finalement exploitée que dans des paroles peu travaillées, dans des morceaux où l’accent est davantage mis sur la fluidité des paroles et leurs sonorités à l’oreille que sur leur sens profond et leur symbolique. On regrette la poésie des paroles de BTS, y compris dans les morceaux solo de Jung Kook comme “Begin” ou l’excellent “My Time”.
Et si les qualités de vocaliste de Jung Kook restent indéniables, on aurait aimé le voir davantage proposer un style qui lui serait vraiment propre. Il a pris le parti de proposer un projet moins personnel et plus lisse, qui correspond à ce que certain.e.s attendaient de lui, mais en déçoivent d’autres. On sent avec GOLDEN une envie de plaire au plus grand nombre, sans doute aussi d’aller chercher un nouveau public, ce qui fonctionne tout à fait.
On ne peut nier la portée globale de cet album, qui s’est classé numéro 1 des ventes françaises dès la semaine de sa sortie (selon le SNEP), sans parler des chiffres impressionnants qu’il a réalisés partout sur la planète. On pense aux Official Charts au UK ou encore aux FIMI en Italie, où il est 3ème dans les deux cas. En tout, l’album GOLDEN est le premier projet d’un artiste solo sud-coréen à atteindre autant de streams sur Spotify avec plus de 214M d’écoutes à ce jour.
Il souhaitait aussi montrer une certaine versatilité, en se plaçant comme un artiste capable de travailler différents genres musicaux. Pari donc réussi avec brio puisqu’il nous a effectivement prouvé qu’il pouvait jouer sur plusieurs tableaux.
Jung Kook montre là sa volonté de parler au general public avec un album mainstream mais efficace. Alors qu’il fait justement la promotion de ce projet aux Etats-Unis, il a révélé dans une interview chez Jimmy Fallon qu’il voulait que cet album suscite des émotions universelles. En structurant GOLDEN en deux parties, l’une plus énergique et dansante et l’autre plus douce, Jungkook voulait que tout un chacun puisse s’approprier les titres et se sente concerné par ce qu’il y raconte. Parti pris assumé et réussi quand on voit le succès de ce premier album solo à l’international !
Article co-écrit par Jeanne et Mélanie